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Blog des Innocents Injustement Accusés
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12 mai 2007

401 - Les risques du métier !

Article paru sur le site Vousnousils.fr

   

5 questions à Benoît Bossard : 'pédophilie, les enseignants face à la calomnie'
Depuis 1998, l’association JAMAC1 recense les problèmes rencontrés par les éducateurs injustement accusés de violences sexuelles sur leurs élèves. Son président, Benoît Bossard, professeur de mathématiques à Ancenis (44), a tiré quelques enseignements des dizaines de cas étudiés par le collectif.

Où se situe la faille ?
L’observation de nombreux cas d’accusation infondée nous permet d’affirmer que l’administration et la justice doivent absolument repenser l’accueil de la parole de l'enfant. Il n’est pas question d’empêcher l’élève de parler mais simplement ses propos doivent-ils être d’abord recueillis, pris en compte, puis évalués par des spécialistes de l’enfance (et de l’univers scolaire) et non être livrés sans précaution à la justice. Les éducateurs n’ont alors d’autres choix que de subir la situation, tandis que l’administration ouvre les parapluies.

Pourquoi le risque d’être mis en cause dans une affaire de pédophilie demeure-t-il toujours aussi élevé pour les éducateurs2 ?

Avant tout, je tiens à préciser que JAMAC se prononce sans ambiguïté pour la sanction de toute violence sexuelle, notamment des violences sexuelles sur enfant, et pour la sanction de toute protection de comportements coupables de ce point de vue. Ceci étant dit, les procédures administratives et judiciaires censées traiter ce genre d’affaires depuis la circulaire Allègre-Royal3 bafouent régulièrement la présomption d’innocence des adultes. Actuellement, la simple parole d’un enfant (recueillie sans précautions particulières) suffit à déclencher le processus de signalement d’un éducateur au procureur de la république. Cet automatisme témoigne de "l’ère du soupçon » dans laquelle nous évoluons et de ce que certains appellent "la dictature de l’émotion4".

Pensez-vous que les éducateurs puissent se prémunir contre ce genre d’accusation ?

Hélas, la diversité des cas de mise en cause infondée est telle que, très honnêtement, il m’est difficile de donner une quelconque "recette"… Certains enseignants choisissent d’emblée de s’interdire des gestes qui pourraient être source d’ennuis. On voit ainsi des instituteurs refuser d’accompagner les enfants aux toilettes, de consoler des chagrins… Mais est-ce vraiment la solution ? Un professeur qui a un doute sur la portée éventuelle de tel ou tel comportement, peut toujours prendre l’avis d’un collègue par le biais de son syndicat. Il faut prendre des précautions. Pour ma part, je me suis surpris à rattraper par l’épaule une élève sortie de ma classe en plein cours (manifestement souffrante) avant de penser à l’interprétation possible de mon geste et de me raviser aussitôt… Le risque est là, mais je ne pense pas qu’il soit bon d’en faire une psychose. D’autant que, paradoxalement, une trop grande vigilance, une trop grande retenue peuvent déclencher une suspicion au sein de l’établissement !

Quels réflexes doit avoir un enseignant qui se sait mis en cause dans une affaire de violence sexuelle ?

Devant l’aberration de la situation, l’éducateur accusé à tort se dit souvent : "je vais m’expliquer et ils vont comprendre". Or, les faits nous prouvent que l’enseignant ne doit pas se contenter d’expliquer mais intervenir dans le processus et surtout, ne pas minimiser la situation. Au fil des dossiers, nous avons appris que la personne accusée devait réagir et savoir immédiatement s’entourer, prendre conscience des épreuves à venir (garde-à-vue, procès…), demander une aide psychologique, consulter son dossier administratif, se faire accompagner dans ses démarches officielles par un collègue ou un délégué syndical, alerter lui-même les syndicats, faire appel à un avocat et demander à son administration que la protection des fonctionnaires5 soit appliquée. Globalement, il semblerait qu’une attitude offensive soit à recommander, mais encore faut-il pouvoir être en état de la supporter…

Quel comportement les enseignants injustement accusés de pédophilie sur leurs élèves adoptent-ils en classe, une fois mis hors de cause ?

Ceux d’entre eux qui ont réussi à reprendre leur métier6 développent généralement une "hyper-vigilance" proportionnelle au traumatisme vécu. On voit par exemple des enseignants changer de comportement, justifier abondamment leurs gestes. Si, au final, certains parviennent à enseigner "comme avant", d’autres cherchent à se protéger de manière plus radicale. Je pense notamment à cet enseignant d’EPS qui nous dit préférer désormais laisser tomber une élève au sol plutôt que de tenter une parade où il risquerait de la rattraper par une fesse… Entre non-assistance à personne en danger et pédophilie, il ne fait pas de mystères sur son choix de motif d’accusation.

Propos recueillis par Marie-Laure Maisonneuve

(1) Le collectif JAMAC a pour objet "d'œuvrer à l'établissement de procédures ayant le double souci de la protection de l'enfant et du respect de la présomption d'innocence en cas d'accusation de violences sexuelles dans l'Éducation Nationale".
(2) Entre 1996 et 2001, la
fédération des Autonomes de Solidarité (qui assure la défense des intérêts moraux et matériels des enseignants en cas de problèmes juridiques) a recensé 566 dossiers d’enseignants accusés de violences sexuelles sur élèves (dont 73% déclarés hors de cause) et enregistre depuis une centaine de dossiers par an avec le même pourcentage de plaintes reconnues sans objet.
(3)
Circulaire du 26 août 1997 sur les violences sexuelles dans l’Education Nationale
(4) À lire sur le sujet : "L’enfant, l’adulte, la loi : l’ère du soupçon ?" (Françoise Petitot, Érès, 2001) et "La dictature de l’émotion, la protection de l’enfant et ses dérives" (Florence Rault et Paul Bensussan, Belfond 2002)
(5) Article 11 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996, J. O. du 17 décembre 1996.
(6) Ce n’est pas le cas de tous, voir la liste des "
mis en cause" sur le site de Jamac

Consulter le site Vousnousils.fr

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11 mai 2007

400 - Circulaire Royal de 1997 : Une copie à revoir

ARTICLE PARU SUR AGORAVOX

Chevalier1La circulaire Allègre-Royal se rapportant aux violences sexuelles à l’école a été publiée le 26 août 1997. Elle avait pour objectif de mettre fin à « une trop longue période de dénégation de la pédophilie

au sein de l’institution scolaire » pendant laquelle « la parole de l’enfant a été étouffée ». Pour atteindre cet objectif, la circulaire recommandait « de redoubler de vigilance en ayant le double souci de la protection de l’enfant et de la présomption d’innocence qui s’attache à la personne mise en cause. »

 

Elle imposait d’ « agir vite mais en faisant preuve de discernement » pour aviser le parquet afin de répondre « au légitime souci de transparence qui doit animer la communauté scolaire à l’encontre de laquelle pèse le reproche de briser trop tardivement la loi du silence . » Dix ans après la publication de cette circulaire, il n’existe pas de bilan précis sur les résultats obtenus dans le domaine de la protection de l’enfant au sein de l’institution scolaire.

 

Mais il est probable que tous les défenseurs des droits de l’enfant diront qu’ils sont satisfaits de son application. Car, dès la parution de la circulaire, le nombre de signalements au parquet a connu une progression exponentielle tant les instructions adressées aux fonctionnaires de l’Education sur leurs «obligations spécifiques de parler et d’agir» étaient et sont encore, par la forme et par le contenu, orientées pour transformer la moindre hésitation en laxisme susceptible d’engendrer les sanctions disciplinaires et la poursuite pénale

 

Or, le contenu de ces obligations, l’ordre d’agir vite et la médiatisation d’accompagnement orchestrée autour des affaires de pédophilie à l’école ont été à l’origine de multiples « dérapages » entraînant des innocents injustement accusés dans l’enfer, coupables d’être victimes, dont la vie fut broyée par des signalements expéditifs et des mesures conservatoires au triste goût de sanctions-condamnations.

  Peu importe, répondront les bonnes consciences en se référant au dire d’Alain JUPPE lorsqu’il était premier Ministre en 1996 : « Il faut parfois mettre entre parenthèses les droits de l’homme pour protéger ceux de l’enfant ».

 

D’ailleurs cet état d’esprit était clairement affirmé par le cabinet des ministres Allègre et Royal dans la conception de cette circulaire puisqu’en 1999, leurs conseillers affirmaient devant une délégation syndicale que « les ministres estiment que si un enfant peut être préservé au prix de neuf enseignants accusés à tort, l’objectif est rempli » !!

Dix ans après la publication de cette circulaire, l’analyse critique des «obligations spécifiques de parler et d’agir» qu’elle prône reste toujours d’actualité pour alimenter le débat sur une meilleure approche de l’équilibre entre protection de l’enfant et respect de la présomption d’innocence.

I - Sur l’obligation de signalement des faits

  La circulaire s’appuie logiquement sur l’article 40 du code de procédure pénale qui fait obligation à quiconque et particulièrement à toute autorité publique ou à tout fonctionnaire ayant connaissance d’un crime ou d’un délit d’en aviser sans délai le procureur de la république.

  Mais, alors que le code ne donne aucune précision sur ce qu’il convient d’entendre par « connaissance », la circulaire dissèque cette notion en 3 volets :

- connaissance directe lorsque un enfant s’est confié au fonctionnaire : «Obligation d’aviser immédiatement et directement le procureur sous forme écrite et, si besoin est, par télécopie.»

- Soupçon fondé sur des signes de souffrance : «Aide immédiate apportée en avisant le médecin scolaire, le psychologue scolaire, l’infirmière ou l’assistante sociale, selon les cas. »

- Soupçon fondé sur la rumeur ou des témoignages indirects : « Alerter immédiatement l’inspecteur d’académie ou le recteur qui ordonneront une enquête hors audition de l’enfant... »

Nous ne nous attarderons pas sur le deuxième volet car la responsabilité du signalement au procureur est transférée à des professionnels sociaux (médecin, infirmières, assistantes sociales...) qui peuvent avoir des critères spécifiques d’appréciation.

Pour ce qui concerne le premier volet, la circulaire définit la connaissance directe en précisant seulement : « Ainsi, dès qu’un élève a confié à un membre de l’Education nationale des faits dont il affirme avoir été victime ... »

Or, la circulaire ne prend pas en compte l’âge de l’enfant ! Le dire d’un enfant de maternelle, s’il doit être considéré comme « vrai » par rapport à son propre ressenti, mérite, cependant, d’être interprété par des professionnels avant d’être considéré comme crédible dans l’accusation d’atteintes sexuelles.

Cependant, la circulaire donne un ordre formel, celui « d’aviser immédiatement le procureur de la République si besoin est par télécopie ».

Que peut donc faire le fonctionnaire qui recueille la parole d’un enfant pouvant suggérer une atteinte sexuelle sinon « ouvrir le parapluie » en avisant immédiatement le procureur comme le lui impose la circulaire. C’est ainsi qu’une petite fille de maternelle qui avait vu son papa se faire mal au bas ventre dans la salle de bain a conduit, bien involontairement, ce dernier dans l’enfer de la procédure pénale en disant seulement à sa maîtresse « Papa a fait mal, là » et en mettant sa main sur son bas ventre. «Papa a fait mal : le cauchemar judiciaire d’un couple ordinaire » de Sirvent Anne & Philippe chez Calmann-Lévy

Le troisième volet prête encore plus à réflexion puisqu’il est demandé au fonctionnaire de jouer l’intermédiaire entre la rumeur et la justice. La circulaire précise : « La communauté scolaire dans laquelle se répand une rumeur - dont la caractéristique essentielle est d’être invérifiable - ou des témoignages indirects, ne peut gérer une telle situation sans des risques majeurs de dérapage. La rumeur peut en effet s’alimenter d’elle-même, au rythme de ragots colportés par des esprits plus ou moins bien intentionnés. C’est un type de situation de laquelle un chef d’établissement doit s’extraire au plus vite. »

Question : Quelle est alors la recommandation faite au chef d’établissement pour « s’extraire au plus vite de ce type de situation » ?

Réponse de la circulaire : « Dans ces différents types de situation, il convient d’adopter la même attitude : agir vite mais en faisant preuve de discernement. Il est nécessaire d’alerter immédiatement l’inspection académique laquelle, en liaison avec le rectorat, arrêtera les mesures à prendre... Dès lors que les éléments portés à la connaissance des inspecteurs apparaissent cohérents, il convient d’aviser immédiatement et selon les mêmes modalités, le procureur de la République et de prendre la mesure administrative appropriée, en liaison avec la Justice. »

Outre le fait qu’il peut être difficile de concilier l’obligation « d’agir vite » et celle de faire preuve de «discernement», il peut apparaître surprenant que les témoins indirects qui entretiennent la rumeur soient invités par cette circulaire à reporter sur les fonctionnaires de l’Education Nationale la responsabilité d’aviser le procureur étant donné que quiconque « ayant la connaissance d’un crime » doit en informer les autorités judiciaires selon l’article 40 du code de procédure pénale ?

Par ailleurs, sans sous estimer le travail des inspecteurs dans la recherche de la vérité, que peuvent-ils faire pour trouver des éléments « cohérents » au travers d’une rumeur ? Sous les ordres répétés de la circulaire « d’agir vite » et « d’aviser immédiatement », il est probable que, par peur du retour de bâton, le personnel de l’Education à quelque niveau qu’il se situe abandonne très vite «le discernement» et la recherche « d’éléments cohérents » au profit de la célérité, gage de sécurité et de tranquillité. 

II - Sur les mesures conservatoires

La circulaire s’appuie sur l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et indiquant qu’ « en cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline » .

Mais la circulaire ajoute « que la mesure de suspension est particulièrement appropriée dès lors qu’une mise en examen pour des faits de violences sexuelles a été prononcée à l’égard d’un fonctionnaire du ministère de l’Education nationale. Sauf éléments exceptionnels, il semble souhaitable que la suspension intervienne, au plus tard, à ce stade de la procédure judiciaire, afin d’éviter des polémiques inutiles sur l’éventuelle inertie de l’Administration. »

Il faut donc déduire logiquement que les auteurs de la circulaire assimilent une « mise en examen » à une « faute grave » entraînant la suspension puisqu’ils ont fait référence à l’article 30 de la loi de 1983. Et après avoir confondu volontairement  « mise en examen » et « faute grave », ils n’hésitent pas à prétendre que la suspension infligée « ménage la présomption d’innocence qui s’attache à toute personne mise en examen et préserve ses droits ». Peuvent-ils être crédibles sur ce point ?

Enfin, on pourrait penser que la mesure de suspension est prise dans le souci de protéger les enfants. Or, les auteurs de la circulaire ne justifient pas la mesure de suspension par ce motif mais précisent qu’elle est prise à ce stade de la procédure « afin d’éviter des polémiques inutiles sur l’éventuelle inertie de l’Administration. » Dénoncer et sanctionner le plus vite possible pour éviter toute polémique... Peu importe le risque d’erreur !

Conclusion

Après 10 années d’application de cette circulaire, trop d’innocents ont été broyés par la terreur des accusations injustifiées, par la précipitation des signalements et par des suspensions-condamnations transformant la mise en examen en faute grave.

Il devrait être temps de faire un bilan et de reformuler certaines recommandations de cette circulaire afin de trouver un véritable équilibre entre protection de l’enfant et respect de la présomption d’innocence.

Quel Ministre en aura le courage ?

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