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Blog des Innocents Injustement Accusés
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23 mai 2007

207 - Pascal Foki : Le coupable idéal

En juillet 1999, Pascal Foki s’installe avec sa caravane dans un camping de Pamiers, en Ariège. Il est mécanicien et travaille en interim. Dans ce même camping vivent Céline, 20 ans et sa fille de 2 ans, la petite Océane. Ils font connaissance et se voient quelque fois...

Le 8 avril 2000, Océane est retrouvée morte, noyée dans la rivière qui borde le camping. On pourrait croire à un banal accident mais la pédiatre qui examine la petite fille à l’hôpital de Foix croit constater des traces de viol, « une béance anale ». L’examen sera confirmé par la légiste. La petite Océane a été violée. L’affaire prend un nouveau visage. Tout va s’accélérer. L’entourage d’Océane est entendu, sa mère Céline, sa tante et son mari, sont placés en garde à vue. C’est Céline qui évoquera Pascal Foki au cours de son audition.

« Au départ quand Céline a été interrogée, elle parle de moi mais sans rien dire de particulier  Quelque temps auparavant, je lui avais fait des avances qu’elle avait refusées, il y avait des tensions, on s’était un peu accrochés mais sans plus… ».  

Le lendemain à l’aube, les policiers placent Pascal Foki lui aussi en garde à vue. Le calvaire va commencer. « Au tout début, quand je suis interrogé, je ne sais même pas ce qu’il se passe, la seule chose que je sais c’est qu’Océane est tombée à l’eau et je n’ai même pas encore la confirmation de son décès –ils sont tous partis à l’hôpital- mais je ne me fais pas trop d’illusion quand même…et c’est après au cours de la garde à vue qu’on me dit que la petite aurait été violée… ». D’ailleurs, confiant, il ne prend pas d’avocat commis d’office Je ne me sentais pas concerné, comme ce n’était pas moi le coupable » 

Le SRPJ de Toulouse reprend l’enquête. 42 heures de garde-à-vue. « Moralement c’est très dur », confie le jeune homme. « Céline a fini par m’accuser. Pour moi ce sont les flics qui lui ont mis la pression. Elle a dit qu’elle savait que j’avais l’intention de tuer Océane. Elle a souvent varié ses déclarations. En m’accusant elle s’est accusée elle-même de ne pas m’avoir dénoncé avant la mort de la petite. Elle fera un mois de détention».
Enormément marqué par ces 42 heures de garde à vue, Pascal Foki tente d’expliquer la spirale infernale qui l’engloutit : « A partir de ce que j’ai dit, ils ont imaginé leur scénario. En sachant que je n’avais pas d’alibis, que je vivais seul, pour eux le mobile était tout trouvé : j’aurais cherché à écarter la petite pour avoir la mère, une histoire sordide ! » 
Il est physiquement malmené. Il a l’impression « d’être le suspect N°1 ». L’extrême pression va l’amener à faire de "semi aveux". « Ils essayent de me faire craquer avec la fatigue. Ils étaient persuadés que c’était moi, ils disaient qu’ils n’attendaient que mes aveux, ils ont cherché à me faire croire qu’ils avaient des témoignages et des preuves comme quoi on m’aurait vu près de la rivière, pour me mettre de la pression. A tel point qu’à un moment donné je me suis demandé si je n’avais pas fait ça inconsciemment. D’ailleurs j’ai dit « si c’est moi, je n’en étais pas conscient».

« Ça a été interprété comme un semi aveu, alors que je voulais dire que j’étais innocent. J’ai vraiment eu l’impression d’être coupable de ne pas avoir su démontrer que j’étais innocent ! » 
 

Le jeune ouvrier, timoré, représente un coupable idéal, il est aussitôt mis en examen pour assassinat et viol et incarcéré à la prison de Toulouse. Dans le camping, la rumeur enfle. Des témoins l'accablent. Tout comme l'expert psychologique requis par le juge, qui va grossir le trait: «Pascal Foki est abandonnique, narcissique, en échec sur le plan relationnel, déviant sexuel, apeuré par les femmes «C'était un coup de poignard dans le dos, car je lui avais parlé sincèrement», commente Foki. «Pour conforter la thèse de l'instruction, on a voulu en faire un pervers», dénonce son avocat, Me Christian Etelin.
Pascal Foki passera 3 mois en détention. « ça a d’abord été un soulagement par rapport à la dureté de ma garde à vue! et puis, à chaque fois que j’entendais un bruit de serrure du fond de ma cellule, je me disais tôt ou tard on va bien finir par me libérer et découvrir la vérité ; j’avais confiance. Le dossier était assez léger. Je ne pensais même pas que ça pouvait aller jusqu’au jugement mais, en fait, ça aurait pu tout à fait arriver». 
Un nouveau rapport d’expertise demandé par le juge va définitivement le sortir d’affaire. Ses conclusions ? « la légiste dit qu’il existe un phénomène naturel lié à la température de l’eau qui a provoqué cette « béance anale ». C’est un phénomène que la première légiste aurait dû connaître, elle était censée le savoir. Le 6 juillet 2000, Pascal Foki est libre. Le non–lieu ne viendra que le 17 avril 2001. 
« Le plus dur pour moi, continue-t-il encore, c’était la garde à vue mais ce qui reste maintenant c’est quand même la disparition d’Océane qui est tragique… ça a été un vrai soulagement pour moi de savoir que la petite n’avait pas autant souffert que ce qu’on avait imaginé… » 
 

Mais le jeune homme est broyé par ce qu’il a vécu. « J’ai eu une sorte de contre coup, quand je suis retourné dans ma région des Vosges après l’affaire. Pendant un an, je n’ai plus parlé à personne, j’ai coupé avec tout le monde même ma famille. Une espèce de ras-le-bol général… ». 
Fataliste après cette expérience douloureuse – «J’imagine que ça peut arriver à n’importe qui »-, Pascal Foki n’en dénonce pas moins clairement les « procès verbaux», « c’est peut-être un outil de travail pratique pour faire avouer les coupables, mais vu qu’il n’y a pas d’enregistrement des auditions, cet outil peut tronquer facilement la réalité et fabriquer des erreurs. Les enquêteurs vont passer à coté de certains détails. Ou au contraire, ils peuvent en rajouter». Tout comme il dénonce les expertises psychologiques «qui ont cherché à faire de moi un pervers. C’était orienté ! ça a été comme un coup de poignard dans le dos
De toute cette affaire, le jeune homme retient malgré tout quelques aspects positifs : « Etant naturellement introverti et très réservé, tout cela m’a appris à mieux m’exprimer, à aller vers les autres et aussi à dépasser les petits tracas du quotidien mais je n’oublie surtout pas qu’il reste la mort d’une petite fille ». Et si aujourd’hui il voudrait passer à autre chose, cette expérience ne l’en a pas moins marqué à vie ; « vous savez, ça s’estompe un peu avec le temps mais ça reste gravé en vous. Pendant plus d’un an, je n’ai pas passé un jour sans y penser!…et d’ajouter « Tant qu’on n’a pas vécu ce genre de situation, on ne peut pas savoir ce que c’est…. »

Enquête réalisée par Nathalie de Besombes/Gamma

 

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20 mai 2007

206 - Angoulême : La copie d'outreau

Décidément, pendant l’année 2002, année de l’élection présidentielle,  année du tout sécuritaire,  la justice était obnubilée par les réseaux de pédophilie fictifs … Outreau, le Sacré Cœur de Digne les bains,  Affaire du café de la plage pour Angoulême….

A croire qu’en ces temps là, il était indispensable de gaver l’opinion publique pour démontrer la force du pouvoir politique !

Gilles Pommier et le café de la plage

Tout commence en février 2002, à Angoulême quand éclate l'affaire du «Café de la plage», nom d'un estaminet où se rencontrait la communauté gay locale. Deux jeunes enfants accusent 16 personnes de viols dont le prêtre ouvrier Gilles Pommier. Trois d'entre elles, dont Gilles Pommier feront plus de 50 mois de détention provisoire avant d'être acquittées au mois de mars 2006 par la cour d'appel de Bordeaux. Gilles Pommier, témoigne : « À 42 ans, en cellule, alors que l'on n'a jamais connu la prison, on tombe dans un univers effarant. Surtout la nuit, là c'est terrible. J'entendais les hurlements, le déchaînement, l'insulte, la menace physique ».

Cet enfer, l'ecclésiastique ne peut l'oublier. « Je passais véritablement pour un monstre. En plus de ça j'étais contaminé par le sida et je n'avais pas peur de le transmettre aux gamins que j'avais prétendument violés. Hallucinant ! »

L'affaire du réseau de pédophilie du café de la Plage à Angoulême  se termine, finalement, par un jugement clair et précis en 2006 : Tous Innocents comme à Outreau. Mais combien de vies brisées, combien de larmes, combien de malheurs aura-t-il fallu pour en arriver là ?

Mille cinq cent vingt jours, 1 520 nuits : 1520, le chiffre restera marqué à tout jamais dans la mémoire de Gilles Pommier. Quatre ans et 2 mois, c'est la durée de prison qu'il a effectuée pour des actes de pédophilie dont il a été reconnu innocent. Un parfum d'Outreau, des hommes accusés d'actes sexuels sur des enfants, une justice qui passe vite, trop vite, et Gilles Pommier est jeté dans une cellule. « Les premiers jours, je me disais que je serais libéré rapidement. Que l'on s'apercevrait qu'il y avait une erreur. »

Mais rien ne vient. Le calendrier s'égrène, et Gilles Pommier croupit toujours dans sa prison. Prêtre, pédophile, des mots qu'il ne fait pas bon avoir sur le dos quand on est détenu. «J'ai subi les pires humiliations, des passages à tabac, des brimades», se souvient le curé. Ce fut 1 520 jours à tenir, 1 520 jours à se battre pour conserver contre vents en marées une dignité d'être humain. « On tombe dans un univers effarant. La prison fait peur, mais les gens qu'on y rencontre font encore plus peur. Et puis, le caractère tellement odieux des accusations a fait que, tout de suite, j'ai été la cible et des détenus et des surveillants. »

L'odeur, le bruit des grilles et des clés : « C'est terrible. Les cris la nuit. La journée ça allait, mais le soir… À partir de 20 heures, ça se déchaînait. C'était « Pommier, curé pédophile, on va t'enculer, on va te couper les couilles, sors dehors on va te faire ta fête. » Ça durait des heures comme ça. » Les larmes coulent sur le visage émacié de Gilles Pommier. Trop dur, ces rappels à son histoire récente. Mais le besoin de témoigner est trop important, alors il reprend : « Le dernier jour, après mon acquittement. Je reviens menotté à la prison et il y a un bruit infernal. Les détenus tapent sur leur porte en hurlant « Bravo Gilles », vous pouvez pas savoir l'émotion qui me submerge alors. » C'est au printemps 2006 , que Gilles Pommier a retrouvé sa liberté. « Le lendemain, je me suis inscrit sur les listes électorales, j'avais besoin de me prouver que je faisais toujours partie de cette société. » 

Alors Gilles Pommier survit : sa maladie le ronge et il attend toujours que la société daigne s'intéresser à son cas. En prison, il a eu le soutien des aumôniers, de quelques gardiens : « Mais ma communauté religieuse n'a jamais donné signe de vie ».

Pour Gilles Pommier, pas question de baisser les bras : « On casse des gens, on les réduit à l'état de SDF, et après on leur dit démerdez-vous. Et là, je dis non ! »

Une affaire d'Outreau, version homo. Y aurait-il de bons et de mauvais innocents ? Cette question taraude Gilles Pommier. Car, lors de sa remise en liberté, le curé n'a reçu aucun soutien, si ce n'est celui - si précieux - de sa famille. Pas d'indemnités, pas de suivi psychologique, encore moins de banales excuses.

Y a-t-il de bons et de mauvais innocents ? Gilles Pommier se pose la question. Nous aussi !

D'un côté Outreau, où à juste titre, la société reconnaît l'erreur judiciaire, de l'autre le café de la Plage, avec ses mauvais innocents que tout le monde rejette et ne veut pas voir. Atteint du sida avec un stade de la maladie avancé, Gilles Pommier espère être reconnu pour ce qu'il est : un homme injustement accusé, sali, meurtri dans sa chair et qui a envie aujourd'hui de renaître. « J'étais un notable, j'avais un appartement, une voiture. Si je n'avais pas mes parents, je serais un SDF. »

« La commission d'indemnisation de Bordeaux m'a généreusement accordé 120 000 € au titre du préjudice moral en 2007, niant de fait mon préjudice matériel. Cette proposition ne correspond même pas à un SMIC par mois, mais elle est surtout insultante au regard des conditions de détention subies pendant plus de 4 ans. Mon avocat, Jean François Changeur a fait appel auprès de la cour de cassation »

« Ma santé s'est détériorée suite à l'absence de soins pendant mon emprisonnement. J'ai perdu toutes mes dents, et j'ai contracté dans les geôles de la République un tas de germes et virus ayant entraîné en juin 2006 une pneumonie et au printemps, suite à une opération, une septicémie »

Le blog des innocents injustement accusés  souhaite au père Gilles Pommier ainsi qu'aux autres victimes innocentes de cet Outreau bis de trouver le ressort intérieur qui pourra leur redonner goût à la vie.

Synthèse de ce dossier élaborée à partir des informations parues dans le journal "La dépèche du Midi"

13 mai 2007

402 - La dérive

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Extrait d'un article paru sur AGORAVOX

Outreau, le monde politique et la mort d’un enseignant 

 

Encore à ce jour, et malgré les nombreux signes d’une crise institutionnelle globale, la catastrophe d’Outreau reste en général présentée comme un problème sectoriel de la Justice et du comportement des médias. Est-ce vraiment crédible? S’il s’agit d’évoquer les dérives de la lutte contre la pédophilie, force est de constater que dès 1997, des dirigeants politiques ont joué un rôle important dans la médiatisation de ce type d’affaires, et pris ou encouragé des mesures qui ont conduit à des incidents graves. Les experts ont également contribué à la propagation de préjugés qui, avec le recul, apparaissent peu rigoureux. Quant au fonctionnement de plus en plus expéditif et sommaire de la Justice, c’est tout sauf une évolution spontanée isolée. Bien au contraire, il découle directement de dispositions émanant des pouvoirs législatif et exécutif élus par les citoyens, et dont ces derniers finissent invariablement par se montrer déçus. 

 

A de rares exceptions près, l’affaire d’Outreau est systématiquement abordée sous l’angle étroit du fonctionnement de la justice pénale, et la discussion en reste là. On nous dit que le contraire reviendrait à "tout mélanger". Pourtant, la campagne médiatique que dénonce à juste titre le rapport de la Commission parlementaire avait été précédée d’autres campagnes politico-médiatiques sur des sujets analogues, dont a "résulté" entre autres le suicide, le 10 juin 1997, d’un innocent : Bernard Hanse, professeur d’éducation physique et sportive au collège de Montmirail (Marne). Un sinistre événement, susceptible en principe de mettre en cause le fonctionnement d’une administration et d’un ministère, sans que la justice pénale ait été impliquée.

L’article 40 du Code de procédure pénale prescrit : "Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs". Il s’agit d’avoir acquis la "connaissance" du crime ou du délit, et pas simplement d’entendre une version des faits sans preuve et qui peut être subjective. Mais le 14 mai 1997, dans un article intitulé "Pédophilie : un autre instituteur mis en examen", le quotidien l’Humanité rapportait notamment une déclaration du ministre de l’Education nationale, François Bayrou, insistant sur la nécessité de "saisir la justice" en cas de soupçons envers un enseignant : "Si dans l’enquête quelqu’un est soupçonné, on suspend sa présence auprès des élèves. Et si quelqu’un est condamné, il est radié." Que faut-il entendre par "soupçon", quel rapport avec la "connaissance" d’un crime ou d’un délit ?

En mai 1997 également, l’INHES (Institut national des hautes études de sécurité) diffusait une étude de deux experts intitulée "La pédophilie". Le 5 juin, alors que le gouvernement de Lionel Jospin s’installait, L’Humanité commentait cet ouvrage et relevait que les auteurs appellent à "prendre toujours au sérieux la parole d’un enfant" car "les dénonciations sont très souvent vérifiées. Et, s’il y a mensonge, il reste de toute manière l’expression d’un malaise." A cette époque, les déclarations d’experts passaient partout comme des lettres à la poste sans que personne n’ose les critiquer. Le 10 juin, Ségolène Royal, devenue ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire, effectuait d’après ses propres déclarations un "tour par téléphone des inspections académiques" afin d’entreprendre un "recensement des cas de pédophilie signalés à la justice". Le même jour, dans la soirée, Bernard Hanse "s’est tiré une balle dans la tête, au vo­lant de sa voiture lancée sur la petite route de campagne".

D’ailleurs, l’affaire Montmirail n’a pas empêché Claude Allègre et Ségolène Royal de signer, le 26 août 1997, une circulaire intitulée "Instruction concernant les violences sexuelles" dont voici un extrait : " La loi, sans préciser clairement ce qu’il faut entendre par connaissance des faits, impose à tout fonctionnaire de ne pratiquer aucune rétention d’information, à partir du moment où lui ont été révélées des accusations précises et circonstanciées, éventuellement étayées par un certificat médical. Ainsi, dès qu’un élève a confié à un membre de l’Education nationale des faits dont il affirme avoir été victime, il appartient à ce fonctionnaire d’aviser immédiatement et directement le procureur de la République, sous la forme écrite et transmise, si besoin est, par télécopie." Les "accusations précises et circonstanciées" sont donc, dans une instruction ministérielle qui a précédé de quatre ans le début de l’affaire pénale d’Outreau et qui reste en vigueur, assimilées à une "connaissance des faits". Tardivement, les organisations syndicales ont contesté cette circulaire.

Qui abrogera ou amendera la "circulaire Royal" ? La droite s’y est refusée pendant plus de quatre ans.

Quant à la campagne médiatique de l’époque, le monde politique y a très directement participé, et en a souvent été le moteur.

L’association "Collectif JAMAC", créée en 1998, fait même état d’un compte rendu d’une délégation du SNEP-FSU auprès du ministère de l’Education nationale, dressé par Marcel Berge dans la revueContrepied de mars 1999 : "Reçus au cabinet de Ségolène Royal en février dernier, nous avons donné à son conseiller, le juge Hayat, des exemples de graves violations de la présomption d’innocence, et de comportements, que nous jugeons irresponsables, de certains chefs d’établissement. Il n’a pas contesté les faits ; mais nous nous sommes entendu répondre que les ministres estiment que si un enfant peut être préservé au prix de neuf enseignants accusés à tort, l’objectif est rempli ! [...] le conseiller précisait que ces propos n’étaient pas de lui mais devaient être attribués à "ses" ministres ! Comment douter, dès lors, qu’il s’agissait d’un choix politique..." Une logique qu’on peut difficilement dissocier de celle ayant conduit, plus tard, à la généralisation de l’usage de la détention dans une affaire comme celle d’Outreau. Ce ne sont pourtant pas des juges qui apparaissent en première ligne, mais des politiques.

Pour clore, il serait peu objectif de passer sous silence la responsabilité des citoyens eux-mêmes. Personne, ou presque, n’a bronché en 1997 lorsqu’il a commencé à être question de suspendre des enseignants "soupçonnés" de pédophilie. Mais, au nom de la "présomption d’innocence", personne n’a objecté au même moment à l’élection d’un député devenu aussitôt président de l’Assemblée nationale qui se trouvait depuis trois ans mis en examen dans l’affaire du sang contaminé et qui, en tant qu’ancien premier ministre, avait vocation à être jugé par la Cour de Justice de la République, composée très majoritairement de parlementaires. Deux poids, deux mesures  ? Ce n’est pas forcément très normal, et les conséquences de cette ligne de conduite collective peuvent devenir difficiles à contrôler par la suite. Il semble bien que ce qui s’est passé depuis 1997, et plus tard dans l’instruction de l’affaire d’Outreau, soit en partie la conséquence d’une certaine passivité des citoyens en face des décideurs et des lobbies politiques. Y compris, par exemple, lorsqu’une loi de juin 2001 (2001-539) a ouvert la voie au refus d’admission, sans motivation circonstanciée, des pourvois en cassation. Un pas dans le sens de l’opacité institutionnelle et d’une justice de plus en plus sommaire.

 
   

 

 

 

 

 

 

 

Consulter le site: AgoraVox: Le média citoyen

12 mai 2007

401 - Les risques du métier !

Article paru sur le site Vousnousils.fr

   

5 questions à Benoît Bossard : 'pédophilie, les enseignants face à la calomnie'
Depuis 1998, l’association JAMAC1 recense les problèmes rencontrés par les éducateurs injustement accusés de violences sexuelles sur leurs élèves. Son président, Benoît Bossard, professeur de mathématiques à Ancenis (44), a tiré quelques enseignements des dizaines de cas étudiés par le collectif.

Où se situe la faille ?
L’observation de nombreux cas d’accusation infondée nous permet d’affirmer que l’administration et la justice doivent absolument repenser l’accueil de la parole de l'enfant. Il n’est pas question d’empêcher l’élève de parler mais simplement ses propos doivent-ils être d’abord recueillis, pris en compte, puis évalués par des spécialistes de l’enfance (et de l’univers scolaire) et non être livrés sans précaution à la justice. Les éducateurs n’ont alors d’autres choix que de subir la situation, tandis que l’administration ouvre les parapluies.

Pourquoi le risque d’être mis en cause dans une affaire de pédophilie demeure-t-il toujours aussi élevé pour les éducateurs2 ?

Avant tout, je tiens à préciser que JAMAC se prononce sans ambiguïté pour la sanction de toute violence sexuelle, notamment des violences sexuelles sur enfant, et pour la sanction de toute protection de comportements coupables de ce point de vue. Ceci étant dit, les procédures administratives et judiciaires censées traiter ce genre d’affaires depuis la circulaire Allègre-Royal3 bafouent régulièrement la présomption d’innocence des adultes. Actuellement, la simple parole d’un enfant (recueillie sans précautions particulières) suffit à déclencher le processus de signalement d’un éducateur au procureur de la république. Cet automatisme témoigne de "l’ère du soupçon » dans laquelle nous évoluons et de ce que certains appellent "la dictature de l’émotion4".

Pensez-vous que les éducateurs puissent se prémunir contre ce genre d’accusation ?

Hélas, la diversité des cas de mise en cause infondée est telle que, très honnêtement, il m’est difficile de donner une quelconque "recette"… Certains enseignants choisissent d’emblée de s’interdire des gestes qui pourraient être source d’ennuis. On voit ainsi des instituteurs refuser d’accompagner les enfants aux toilettes, de consoler des chagrins… Mais est-ce vraiment la solution ? Un professeur qui a un doute sur la portée éventuelle de tel ou tel comportement, peut toujours prendre l’avis d’un collègue par le biais de son syndicat. Il faut prendre des précautions. Pour ma part, je me suis surpris à rattraper par l’épaule une élève sortie de ma classe en plein cours (manifestement souffrante) avant de penser à l’interprétation possible de mon geste et de me raviser aussitôt… Le risque est là, mais je ne pense pas qu’il soit bon d’en faire une psychose. D’autant que, paradoxalement, une trop grande vigilance, une trop grande retenue peuvent déclencher une suspicion au sein de l’établissement !

Quels réflexes doit avoir un enseignant qui se sait mis en cause dans une affaire de violence sexuelle ?

Devant l’aberration de la situation, l’éducateur accusé à tort se dit souvent : "je vais m’expliquer et ils vont comprendre". Or, les faits nous prouvent que l’enseignant ne doit pas se contenter d’expliquer mais intervenir dans le processus et surtout, ne pas minimiser la situation. Au fil des dossiers, nous avons appris que la personne accusée devait réagir et savoir immédiatement s’entourer, prendre conscience des épreuves à venir (garde-à-vue, procès…), demander une aide psychologique, consulter son dossier administratif, se faire accompagner dans ses démarches officielles par un collègue ou un délégué syndical, alerter lui-même les syndicats, faire appel à un avocat et demander à son administration que la protection des fonctionnaires5 soit appliquée. Globalement, il semblerait qu’une attitude offensive soit à recommander, mais encore faut-il pouvoir être en état de la supporter…

Quel comportement les enseignants injustement accusés de pédophilie sur leurs élèves adoptent-ils en classe, une fois mis hors de cause ?

Ceux d’entre eux qui ont réussi à reprendre leur métier6 développent généralement une "hyper-vigilance" proportionnelle au traumatisme vécu. On voit par exemple des enseignants changer de comportement, justifier abondamment leurs gestes. Si, au final, certains parviennent à enseigner "comme avant", d’autres cherchent à se protéger de manière plus radicale. Je pense notamment à cet enseignant d’EPS qui nous dit préférer désormais laisser tomber une élève au sol plutôt que de tenter une parade où il risquerait de la rattraper par une fesse… Entre non-assistance à personne en danger et pédophilie, il ne fait pas de mystères sur son choix de motif d’accusation.

Propos recueillis par Marie-Laure Maisonneuve

(1) Le collectif JAMAC a pour objet "d'œuvrer à l'établissement de procédures ayant le double souci de la protection de l'enfant et du respect de la présomption d'innocence en cas d'accusation de violences sexuelles dans l'Éducation Nationale".
(2) Entre 1996 et 2001, la
fédération des Autonomes de Solidarité (qui assure la défense des intérêts moraux et matériels des enseignants en cas de problèmes juridiques) a recensé 566 dossiers d’enseignants accusés de violences sexuelles sur élèves (dont 73% déclarés hors de cause) et enregistre depuis une centaine de dossiers par an avec le même pourcentage de plaintes reconnues sans objet.
(3)
Circulaire du 26 août 1997 sur les violences sexuelles dans l’Education Nationale
(4) À lire sur le sujet : "L’enfant, l’adulte, la loi : l’ère du soupçon ?" (Françoise Petitot, Érès, 2001) et "La dictature de l’émotion, la protection de l’enfant et ses dérives" (Florence Rault et Paul Bensussan, Belfond 2002)
(5) Article 11 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996, J. O. du 17 décembre 1996.
(6) Ce n’est pas le cas de tous, voir la liste des "
mis en cause" sur le site de Jamac

Consulter le site Vousnousils.fr

11 mai 2007

706 - J'ai menti

 

J'ai menti


Edition STOCK

Virginie Madeira
 

Non, Virginie Madeira l'affirme: elle n'a jamais été violée par son père, qui vient de passer six ans en prison! La jeune fille raconte dans un livre comment une histoire de gamine aurait conduit à une effarante erreur judiciaire

Virginie Madeira avait 14 ans quand elle a raconté à l'une de ses copines de classe que son père avait «abusé» d'elle, comme on disait dans les feuilletons américains qu'elle regardait goulûment à la télévision. Aujourd'hui, sept ans plus tard, elle publie un livre - coécrit avec la journaliste Brigitte Vital-Durand - pour crier publiquement: J'ai menti (Stock). Mensonge, son enfance déchirée depuis l'âge de 6 ans par les mains paternelles. Mensonges, les caresses et les viols pendant que la mère travaillait ou dormait. Mensonges, les «déclarations» extirpées de sa bouche immature par la directrice du collège, les enquêteurs et le juge d'instruction. Mensonges, les accusations confirmées devant la cour d'assises. Et lui, le père, qui vient de passer plus de six ans en prison et reste privé de ses droits civils, attend que la justice lui rende son honneur. Encore stupéfait de ce qui lui est arrivé, Antonio Madeira répète et répète encore: «Ma fille n'était qu'une gamine. Avant de croire les enfants, il faut mener des recherches approfondies.» Sa femme le coupe: «Ils ont cru bien faire.» Il s'incline devant l'évidence: «Ils ont cru bien faire

Si cette famille dit maintenant la vérité - la justice devra l'établir, mais il est difficile d'en douter quand on prend le temps d'écouter chacun de ses membres - il s'agit d'une effarante erreur judiciaire. Au-delà de leurs souffrances, cette affaire est intéressante parce qu'elle est révélatrice d'un certain nombre de failles dans un système judiciaire qui, parfois, tourne à l'engrenage. Au fond, personne n'a commis de faute, dans ce dossier. Mais tout le monde a manqué d'attention, de discernement, de prudence, de rigueur. Et, parfois, d'élémentaire humanité.

Plus grave, plus perturbant: tout le monde a eu envie de croire à la confession de Virginie. Par souci de la protéger, sûrement. Par réflexe bienveillant. Mais aussi par conformisme. Comme le souligne son père, «c'était la mode, on croyait les enfants automatiquement». Pendant des décennies, on s'est tellement trompé dans l'autre sens. Dans le dossier Madeira, il n'y avait pas de raison de soupçonner l'adolescente d'être une affabulatrice. C'était une élève de troisième plutôt sage, une fille qui ne faisait pas de bruit. Pas vraiment le profil d'une hystérique, l'expert psychologique le soulignera, jugeant son discours «totalement crédible et fiable». D'ailleurs, pourquoi aller accuser son père d'inceste quand rien ni personne ne vous y conduit?

L'enfance choyée d'une gamine complexée
Elle est là, Virginie Madeira, massive et têtue dans son studio d'étudiante, presque impassible jusqu'à ce qu'un sourire fugitif vienne l'illuminer. Elle a l'opacité lente des grandes timides et manie les mots avec précaution tant elle sait qu'ils pèsent lourd. D'une toute petite voix douce, elle raconte son enfance choyée, troublée par le malheur de son frère schizophrène. «Mes parents s'en occupaient beaucoup.» Elle évoque son père, dur à la tâche, obsédé par l'entreprise de maçonnerie qu'il a montée. Elle dit sa solitude de gamine complexée, envahie par ses inhibitions: «Je me sentais à l'écart, transparente aux yeux des autres.» A l'adolescence, elle se réfugie dans ses rêves: «J'imaginais que j'appartenais à un monde parallèle, que j'avais des pouvoirs.» Elle écrit son journal intime, fantasme sur un garçon, s'imbibe de feuilletons télé. «Dans Sunset Beach, il y avait une fille qui accusait quelqu'un de l'avoir violée, son père en fait, et tout le monde s'occupait d'elle.» En classe, Virginie a très envie d'avoir Mélanie pour amie. «Elle était toute fine, je l'admirais.» Mélanie, justement, semble en confiance puisqu'elle lui a révélé que son père trompait sa mère. Virginie se demande quoi dire pour être à la hauteur, intéresser vraiment sa camarade. Le 3 mai, elle entend à la radio annoncer qu'une fille a été «abusée» par son père. Le 4 mai, elle prend Mélanie à part: «Mon père a abusé de moi... Mais je ne veux pas que tu en parles

«Je pensais que ça resterait entre nous», dit aujourd'hui Virginie. Le lendemain, elle est convoquée chez la directrice. Là, devant son professeur principal et la conseillère d'éducation, cette catholique qui va à la messe tous les dimanches ne trouve pas la force d'avouer qu'elle a menti. Pas une seconde, affirme-t-elle, elle ne conçoit les conséquences pour son père de ce mensonge. A ses yeux de gamine effrayée, mieux vaut laisser ternir la réputation paternelle que de s'exposer à la honte d'être désignée par tous comme une menteuse.

Immédiatement conduite dans un foyer, coupée de sa famille, elle ne reverra ni son père ni sa mère, sauf dans le cabinet du juge et le jour du procès. «Je n'ai plus jamais eu l'occasion d'avouer que j'avais menti, car personne ne m'a jamais posé de question en ce sens, raconte-t-elle. Les policiers m'ont juste demandé où et comment ça se passait.» Le procès-verbal des auditions recèle un luxe de détails et de précisions. «Ils ont fait les questions et les réponses. Je n'ai fait que répliquer par oui ou par non, ou encore par un simple signe de tête, mais ils ont transcrit leurs propres phrases, comme si c'était moi qui les avais prononcées.»

Une «vérité» admise par tous
Antonio Madeira, lui, n'a pas contribué à dissuader la justice. Il n'est pas très à l'aise avec les mots. Certes, il a clamé son innocence. Mais, à la fin d'une garde à vue où il s'est vu, dit-il, «sali», menacé, humilié, son avocat lui explique que, s'il voulait échapper à la prison, il devait au moins avouer des attouchements. Le père de Virginie veut sortir de ce cauchemar. Il est obsédé par la maison clef en mains qu'il doit livrer impérativement. Et il est persuadé que tout cela va s'arrêter, que la petite va dire la vérité. «Ils m'ont mis en liberté. Mais, un mois et demi plus tard, la cour d'appel m'a fait mettre en prison.» Le 12 juin 2001, à Reims, le procès ne dura qu'une journée. Antonio Madeira regarde impuissant sa fille écouter tête baissée le réquisitoire. Il attend qu'elle réagisse. Ses avocats l'ont adjuré de maintenir ses aveux concernant les attouchements: «Sinon, vous ne serez plus crédible.» A la dernière minute, l'un d'eux l'exhorte à «limiter les dégâts»: «Dites comme votre fille, avouez tout. Vous voulez prendre vingt ans, ou quoi?» Antonio Madeira est affolé, il pense à son entreprise, à tout ce qu'il a construit. Il est sûr que, s'il valide les accusations de sa fille, celle-ci va protester. Il avoue. Le verdict tombe: douze ans. Virginie court se jeter dans les bras de son père: «Pardonne-moi!» Il murmure: «T'es une brave fille.»

Elle explique maintenant que, du début à la fin de cette histoire, ado placide, elle était totalement passive, dans un état second, «une sorte de bulle, comme dans un film». Tout le monde à l'époque lui dit que son histoire est vraie, même les experts, qui ont décelé un hymen endommagé. Elle reviendra au réel en retrouvant enfin sa maison, le 25 juin 2002. Au début de l'été, elle va voir sa mère dans sa chambre: «Tu sais, ce n'est pas vrai, tout ça.» La mère évoque les examens gynéco: «Il y a eu quelqu'un?» Virginie dit que non, elle ne comprend pas. «Il faut faire sortir papa.» Depuis, elle se bat. Un premier médecin lui confirme qu'elle est vierge. Les détériorations légères constatées résultent d'une opération urologique subie à 6 ans. Au début, personne ne la croit. Les premiers avocats qu'elle contacte la supposent manipulée par sa mère. Mal ficelée, la requête en révision déposée en 2003 est rejetée. En 2004, l'Institut de médecine légale portugais confirme: «La personne examinée n'a pas eu de pratiques sexuelles.» Une nouvelle requête est déposée en juillet 2006 par Me Jean-Marc Florand.

Question d'honneur. Pour le reste, les quelques amis, la maison de 300 mètres carrés, l'entreprise, la réputation, «on a tout perdu», soupire Antonio Madeira. Mince et sec, il secoue le front. Encore une fois, les mots lui manquent. Sa femme prend le relais: «Tu te souviens, tu citais ce proverbe portugais. La vérité, c'est comme l'huile qu'on jette dans l'eau, elle finit toujours par remonter.» Ils n'en veulent pas à leur fille: «Elle était si jeune, dit sa mère. On a juste du chagrin.» La nuit est tombée. Une fois de plus, sa mère supplie: «On t'a travaillée pour que tu ne changes pas d'avis ou tu as perdu la tête?» Virginie dit qu'elle ne sait pas. Sa mère pleure: «Elle ne sait pas, elle ne sait pas!» La fille la regarde avec tendresse. Son livre explique que la justice ne doit pas se laisser aveugler par les certitudes.

Post-scriptum: Contactés, ni la directrice ni les avocats et magistrats concernés n'ont accepté de commenter l'affaire Madeira.

Jacqueline Remy

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11 mai 2007

501 - Les leçons oubliées d'Outreau

Les leçons d'Outreau sont  vite oubliées  pour laisser place aux mauvaises habitudes. Début juin 2007, une famille de l'Aude a été victime de la précipitation et de l'incohérence.

      Le 24 mai, M. et Mme Keller s'apprêtent à aller chercher à la crèche et à l'école maternelle de Belpech (Aude) leurs deux filles, âgées de 3 et 5 ans. Mais à 16 heures la mère reçoit sur son lieu de travail un appel téléphonique du centre médico-social de Castelnaudary, qui lui apprend qu'ils ne pourraient pas «récupérer [leurs] enfants à la fin de la classe parce qu'ils ont été placés par le procureur de la République dans deux familles d'accueil séparées». Stéphane Keller, le père, raconte : «Ma femme a demandé des explications. On lui a répondu : "On ne peut rien vous dire. On ne sait pas où sont placés vos enfants."»

    A l'origine, une lettre anonyme, laissant supputer des «faits de pédophilie de la part du père», indique Me Yves Férès, l'avocat de la famille. Ce courrier adressé aux services sociaux d'aide à l'enfance rapporte une anecdote qui se serait déroulée le 10 mai à la crèche. L'auteur de la lettre écrit avoir vu la petite fille âgée de 30 mois mettre la tige d'une feuille d'arbre dans les fesses de son poupon. Toujours selon cet écrit anonyme, la fillette aurait dit en substance au rédacteur du courrier que son papa faisait la même chose avec elle. A priori aucun autre témoin n'était présent au moment précis où la petite fille a fait ce type de confidences. Mais la lettre sera transmise au parquet par le service de la protection de l’enfance du Conseil Général. Le parquet enclenchera alors sur le champ une procédure de placement des deux filles sans le moindre début d’enquête.

      Tout sera démenti bien plus tard (le 6 juin) par un examen médical pratiqué par un médecin légiste, sur l'insistance de l'avocat de la famille. Son rapport indique que les enfants du couple Keller n'ont fait l'objet d'aucune maltraitance. Ce qui permet le retour au foyer familial des deux fillettes. Maître Yves Férès «n'exclu[t] pas que cette affaire puisse trouver sa source dans un règlement de comptes». Pour lui, Stéphane Keller, parent élu au conseil d'administration de la crèche, était devenu «un gêneur pour le personnel». En tant qu'administrateur, il avait remis en cause l'emploi à temps partiel de la directrice (deux jours par semaine), exigeant une direction à plein temps. Puis réclamé le remplacement d'une employée sans diplôme par une éducatrice. Stéphane Keller concède aussi «avoir eu des mots» avec une autre éducatrice concernant la pédagogie.

     Aujourd'hui, l'avocat dénonce le déroulement de toute cette affaire et plus particulièrement "le placement des enfants du jour au lendemain».

     Stéphane Keller estime que les autorités «auraient pu faire examiner d'emblée les enfants par un médecin légiste pour lever tout doute et éviter le traumatisme du placement».

Calomnie, quand tu nous tiens....

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11 mai 2007

400 - Circulaire Royal de 1997 : Une copie à revoir

ARTICLE PARU SUR AGORAVOX

Chevalier1La circulaire Allègre-Royal se rapportant aux violences sexuelles à l’école a été publiée le 26 août 1997. Elle avait pour objectif de mettre fin à « une trop longue période de dénégation de la pédophilie

au sein de l’institution scolaire » pendant laquelle « la parole de l’enfant a été étouffée ». Pour atteindre cet objectif, la circulaire recommandait « de redoubler de vigilance en ayant le double souci de la protection de l’enfant et de la présomption d’innocence qui s’attache à la personne mise en cause. »

 

Elle imposait d’ « agir vite mais en faisant preuve de discernement » pour aviser le parquet afin de répondre « au légitime souci de transparence qui doit animer la communauté scolaire à l’encontre de laquelle pèse le reproche de briser trop tardivement la loi du silence . » Dix ans après la publication de cette circulaire, il n’existe pas de bilan précis sur les résultats obtenus dans le domaine de la protection de l’enfant au sein de l’institution scolaire.

 

Mais il est probable que tous les défenseurs des droits de l’enfant diront qu’ils sont satisfaits de son application. Car, dès la parution de la circulaire, le nombre de signalements au parquet a connu une progression exponentielle tant les instructions adressées aux fonctionnaires de l’Education sur leurs «obligations spécifiques de parler et d’agir» étaient et sont encore, par la forme et par le contenu, orientées pour transformer la moindre hésitation en laxisme susceptible d’engendrer les sanctions disciplinaires et la poursuite pénale

 

Or, le contenu de ces obligations, l’ordre d’agir vite et la médiatisation d’accompagnement orchestrée autour des affaires de pédophilie à l’école ont été à l’origine de multiples « dérapages » entraînant des innocents injustement accusés dans l’enfer, coupables d’être victimes, dont la vie fut broyée par des signalements expéditifs et des mesures conservatoires au triste goût de sanctions-condamnations.

  Peu importe, répondront les bonnes consciences en se référant au dire d’Alain JUPPE lorsqu’il était premier Ministre en 1996 : « Il faut parfois mettre entre parenthèses les droits de l’homme pour protéger ceux de l’enfant ».

 

D’ailleurs cet état d’esprit était clairement affirmé par le cabinet des ministres Allègre et Royal dans la conception de cette circulaire puisqu’en 1999, leurs conseillers affirmaient devant une délégation syndicale que « les ministres estiment que si un enfant peut être préservé au prix de neuf enseignants accusés à tort, l’objectif est rempli » !!

Dix ans après la publication de cette circulaire, l’analyse critique des «obligations spécifiques de parler et d’agir» qu’elle prône reste toujours d’actualité pour alimenter le débat sur une meilleure approche de l’équilibre entre protection de l’enfant et respect de la présomption d’innocence.

I - Sur l’obligation de signalement des faits

  La circulaire s’appuie logiquement sur l’article 40 du code de procédure pénale qui fait obligation à quiconque et particulièrement à toute autorité publique ou à tout fonctionnaire ayant connaissance d’un crime ou d’un délit d’en aviser sans délai le procureur de la république.

  Mais, alors que le code ne donne aucune précision sur ce qu’il convient d’entendre par « connaissance », la circulaire dissèque cette notion en 3 volets :

- connaissance directe lorsque un enfant s’est confié au fonctionnaire : «Obligation d’aviser immédiatement et directement le procureur sous forme écrite et, si besoin est, par télécopie.»

- Soupçon fondé sur des signes de souffrance : «Aide immédiate apportée en avisant le médecin scolaire, le psychologue scolaire, l’infirmière ou l’assistante sociale, selon les cas. »

- Soupçon fondé sur la rumeur ou des témoignages indirects : « Alerter immédiatement l’inspecteur d’académie ou le recteur qui ordonneront une enquête hors audition de l’enfant... »

Nous ne nous attarderons pas sur le deuxième volet car la responsabilité du signalement au procureur est transférée à des professionnels sociaux (médecin, infirmières, assistantes sociales...) qui peuvent avoir des critères spécifiques d’appréciation.

Pour ce qui concerne le premier volet, la circulaire définit la connaissance directe en précisant seulement : « Ainsi, dès qu’un élève a confié à un membre de l’Education nationale des faits dont il affirme avoir été victime ... »

Or, la circulaire ne prend pas en compte l’âge de l’enfant ! Le dire d’un enfant de maternelle, s’il doit être considéré comme « vrai » par rapport à son propre ressenti, mérite, cependant, d’être interprété par des professionnels avant d’être considéré comme crédible dans l’accusation d’atteintes sexuelles.

Cependant, la circulaire donne un ordre formel, celui « d’aviser immédiatement le procureur de la République si besoin est par télécopie ».

Que peut donc faire le fonctionnaire qui recueille la parole d’un enfant pouvant suggérer une atteinte sexuelle sinon « ouvrir le parapluie » en avisant immédiatement le procureur comme le lui impose la circulaire. C’est ainsi qu’une petite fille de maternelle qui avait vu son papa se faire mal au bas ventre dans la salle de bain a conduit, bien involontairement, ce dernier dans l’enfer de la procédure pénale en disant seulement à sa maîtresse « Papa a fait mal, là » et en mettant sa main sur son bas ventre. «Papa a fait mal : le cauchemar judiciaire d’un couple ordinaire » de Sirvent Anne & Philippe chez Calmann-Lévy

Le troisième volet prête encore plus à réflexion puisqu’il est demandé au fonctionnaire de jouer l’intermédiaire entre la rumeur et la justice. La circulaire précise : « La communauté scolaire dans laquelle se répand une rumeur - dont la caractéristique essentielle est d’être invérifiable - ou des témoignages indirects, ne peut gérer une telle situation sans des risques majeurs de dérapage. La rumeur peut en effet s’alimenter d’elle-même, au rythme de ragots colportés par des esprits plus ou moins bien intentionnés. C’est un type de situation de laquelle un chef d’établissement doit s’extraire au plus vite. »

Question : Quelle est alors la recommandation faite au chef d’établissement pour « s’extraire au plus vite de ce type de situation » ?

Réponse de la circulaire : « Dans ces différents types de situation, il convient d’adopter la même attitude : agir vite mais en faisant preuve de discernement. Il est nécessaire d’alerter immédiatement l’inspection académique laquelle, en liaison avec le rectorat, arrêtera les mesures à prendre... Dès lors que les éléments portés à la connaissance des inspecteurs apparaissent cohérents, il convient d’aviser immédiatement et selon les mêmes modalités, le procureur de la République et de prendre la mesure administrative appropriée, en liaison avec la Justice. »

Outre le fait qu’il peut être difficile de concilier l’obligation « d’agir vite » et celle de faire preuve de «discernement», il peut apparaître surprenant que les témoins indirects qui entretiennent la rumeur soient invités par cette circulaire à reporter sur les fonctionnaires de l’Education Nationale la responsabilité d’aviser le procureur étant donné que quiconque « ayant la connaissance d’un crime » doit en informer les autorités judiciaires selon l’article 40 du code de procédure pénale ?

Par ailleurs, sans sous estimer le travail des inspecteurs dans la recherche de la vérité, que peuvent-ils faire pour trouver des éléments « cohérents » au travers d’une rumeur ? Sous les ordres répétés de la circulaire « d’agir vite » et « d’aviser immédiatement », il est probable que, par peur du retour de bâton, le personnel de l’Education à quelque niveau qu’il se situe abandonne très vite «le discernement» et la recherche « d’éléments cohérents » au profit de la célérité, gage de sécurité et de tranquillité. 

II - Sur les mesures conservatoires

La circulaire s’appuie sur l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et indiquant qu’ « en cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline » .

Mais la circulaire ajoute « que la mesure de suspension est particulièrement appropriée dès lors qu’une mise en examen pour des faits de violences sexuelles a été prononcée à l’égard d’un fonctionnaire du ministère de l’Education nationale. Sauf éléments exceptionnels, il semble souhaitable que la suspension intervienne, au plus tard, à ce stade de la procédure judiciaire, afin d’éviter des polémiques inutiles sur l’éventuelle inertie de l’Administration. »

Il faut donc déduire logiquement que les auteurs de la circulaire assimilent une « mise en examen » à une « faute grave » entraînant la suspension puisqu’ils ont fait référence à l’article 30 de la loi de 1983. Et après avoir confondu volontairement  « mise en examen » et « faute grave », ils n’hésitent pas à prétendre que la suspension infligée « ménage la présomption d’innocence qui s’attache à toute personne mise en examen et préserve ses droits ». Peuvent-ils être crédibles sur ce point ?

Enfin, on pourrait penser que la mesure de suspension est prise dans le souci de protéger les enfants. Or, les auteurs de la circulaire ne justifient pas la mesure de suspension par ce motif mais précisent qu’elle est prise à ce stade de la procédure « afin d’éviter des polémiques inutiles sur l’éventuelle inertie de l’Administration. » Dénoncer et sanctionner le plus vite possible pour éviter toute polémique... Peu importe le risque d’erreur !

Conclusion

Après 10 années d’application de cette circulaire, trop d’innocents ont été broyés par la terreur des accusations injustifiées, par la précipitation des signalements et par des suspensions-condamnations transformant la mise en examen en faute grave.

Il devrait être temps de faire un bilan et de reformuler certaines recommandations de cette circulaire afin de trouver un véritable équilibre entre protection de l’enfant et respect de la présomption d’innocence.

Quel Ministre en aura le courage ?

Lire les réactions à cet article sur AGORAVOX

10 mai 2007

701 - Affaire Daniel MASSE

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AFFAIRE Daniel MASSE

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Le 22 mai 2009, Daniel MASSE a déposé une requête en révision de sa condamnation à 25 anées de réclusion criminelle prononcée le 12 décembre 2003 sur appel du parquet alors qu'il avait été acquitté par la Cour d'assises le 31 mai 2002. C'était le premier homme à être condamné après avoir été acquitté.

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Historique du dossier

Le 16 décembre 1994, un colis piégé est déposé devant la maison du couple Hernandez à Toulouse. En ouvrant le colis, le couple est défiguré par la déflagration.

Daniel Massé est immédiatement soupçonné car il avait un différent commercial de 30 000 francs avec le couple Hernandez. Il est placé en détention provisoire pendant 5 mois puis libéré.

L’instruction dure 7 années avant qu’il ne soit renvoyé devant la Cour d’assises.

Le 31 mai 2002, il est acquitté par la Cour d’assises de Haute Garonne.

S’il avait été jugé avant le 4 mars 2002, l’acquittement aurait été définitif car il n’y avait pas de possibilité d’appel d’un jugement de Cour d’assises.

Or, une nouvelle disposition de l’article 380-2 du CPP entrée en vigueur le 4 mars 2002 soit moins de 3 mois avant le jugement de la Cour d’assises a permis au parquet de faire appel de la décision.

Le 9 décembre 2003, l’audience de la Cour d’assises du Tarn et Garonne est présidée par un magistrat qui avait déjà conduit une audience concernant cette affaire en février 2003.

Or, le président d’une Cour d’assises n’a pas à connaître du fond du dossier avant les débats afin de respecter le principe d’indépendance et d’impartialité du Tribunal.

Cette faute de procédure est une cause de nullité mais elle n’est pas soulevée par la défense de Daniel Massé avant la clôture des débats.

Le 12 décembre 2003, Daniel Massé est condamné à 25 ans de prison et à 780 000 € de dommages et intérêts.

Daniel Massé dépose un pourvoi en cassation en faisant valoir la cause de nullité du fait du non respect du principe d’indépendance et d’impartialité du Tribunal.

La cour de cassation rejette le pourvoi au motif que : « dès lors qu'il n'a pas fait usage de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant ce magistrat par application de l'article 668 du Code de procédure pénale et qu'en s'abstenant de le faire avant la clôture des débats, il a renoncé sans équivoque à s'en prévaloir ».

Conclusion :

Nous ne portons aucun  jugement sur le fond mais nous constatons que Daniel Massé est victime :

1 – d’une instruction anormalement longue (7 années)

1 –d’un appel du parquet qui a pu être fait parce que la décision d’acquittement de la Cour d’assises de la Haute Garonne a été rendue quelques jours après la modification du code de procédure pénale.

2 –d’une faute de procédure concernant l’indépendance et l’impartialité du Tribunal, (Violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales).

Plus de détails sur le site de Daniel Massé :

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