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Blog des Innocents Injustement Accusés
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2 mars 2008

6201 - Loi Outreau du 5 mars 2007

Justice3Le 5 mars 2007, les parlementaires votaient, dans la précipitation, une loi «tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale». En 31 articles seulement contre 142 pour la loi du 15 juin 2000 se rapportant au respect de la présomption d’innocence, le législateur prétendait réformer, dans l’urgence, quelques points précis proposés par la commission parlementaire réunie après le chaos d’Outreau.

Pour les innocents embarqués dans la galère judiciaire à la suite de dénonciations mensongères d’abus sexuels, cette loi dite Outreau peut-elle représenter un garde-fou contre l’erreur judiciaire ?

Dès sa première convocation au commissariat ou à la gendarmerie, l’innocent, accusé mensongèrement, doit affronter, outre la garde à vue, deux risques majeurs : le placement en détention provisoire, d’une part, et, d’autre part, la difficulté de faire surgir la vérité au cours de l’instruction du fait de la crédibilité totale accordée à la parole de l’accusation surtout s’il s’agit d’une parole d’enfant.

1 - Concernant le risque de placement en détention provisoire

Trois aspects de la loi sur lesquels les projecteurs ont été braqués ont pour but de limiter ce risque de détention injustifiée (enregistrement des interrogatoires, collégialité de l’instruction et nouvel encadrement du placement en détention). Il n’est pas certain que les articles du CPP réaménagés par la loi Outreau et se rapportant à ces 3 aspects représentent une protection efficace et suffisante contre la détention provisoire abusive !

Premier aspect : l’enregistrement audiovisuel

La garde à vue est une phase primordiale dans l’initiation de la procédure d’information. Or, c’est une période sans droit réel de défense. L’enregistrement des interrogatoires en garde à vue devra être mis en place au 1er janvier 2010 (article 64-1 du CPP). Il a pour objectif d’arbitrer les contestations se rapportant aux conditions d’interrogatoire. Mais, hélas, la garde à vue ne se limite pas aux seuls interrogatoires enregistrés ! La garde à vue, c’est, avant tout, un enfer dans lequel une pression psychologique maximale peut facilement être exercée sur la personne innocente, fragilisée par le désarroi : isolement, menaces hors enregistrement et n’apparaissant pas dans le procès verbal, manipulations diverses, fausses informations, manque de sommeil, privation de nourriture, chantage sont autant d’éléments qui peuvent conduire l’innocent épuisé à suivre les conseils des enquêteurs et à tomber dans le piège du scénario favorable à l’accusation. L’enregistrement des interrogatoires officiels repris dans le procès verbal ne sera donc d’aucun secours pour éviter l’emballement d’un dossier !

Deuxième aspect : la collégialité de l’instruction

A partir du 1er mars 2008, doivent être créés dans certains tribunaux de grande instance des pôles de l’instruction chargés de toutes les affaires criminelles. Il en résulte qu’une partie des dossiers suivis dans les tribunaux ne comportant qu’un seul juge d’instruction sera transférée aux juges du pôle de l’instruction, ce qui augmentera nécessairement la quantité de travail du pôle ! Or, la collégialité ne pourra fonctionner réellement à la sortie de la garde à vue que si le pôle est réuni pour entendre les enquêteurs et la personne gardée à vue. Cela sera-t-il toujours possible ? Par ailleurs, si le travail d’enquête pendant la garde à vue a été orienté uniquement à charge, comme c’est trop souvent le cas dans le domaine des dénonciations pour abus sexuels, le pôle d’instruction ne sera-t-il pas amené, comme le ferait un seul juge, à prendre des décisions précipitées de mise en examen criminelles et de demande de placement en détention sous le coup de l’émotion et du principe de prudence sécuritaire ?

Troisième aspect : motivation de la détention

Le législateur a exprimé la volonté de réduire les cas d’incarcération injustifiée en encadrant, un peu plus, la procédure de décision de placement en détention. Depuis le 1er juillet 2007, le placement en détention n’est possible que s’il est l’unique moyen de parvenir à certains objectifs énumérés (6 cas) « au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure ». Ce qui signifie que le motif d’incarcération ne peut plus être limité à la simple évocation du « trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction ». Les magistrats qui décident du placement en détention doivent, depuis le 1er juillet 2007, étayer leurs décisions en démontrant que l’incarcération est nécessaire pour une des raisons suivantes (article 144 du CPP) :

1- conservation des preuves ;

2- empêchement de pressions sur les témoins, les victimes et la famille ;

3- empêchement d’une concertation frauduleuse entre les mis en examen ;

4- protection du mis en examen ;

5- maintien à la disposition de la justice ;

6- cessation de l’infraction ou empêchement de son renouvellement.

Mais, a priori, cette nécessité de motivation de la décision d’incarcération, à partir de l’une des raisons citées, ne devrait pas être un obstacle insurmontable pour les magistrats qui ont l’intention de placer en détention une personne dénoncée pour abus sexuels ! En aucun cas, elle ne sera un frein au placement en détention si le pôle d’instruction, sous contrôle du juge des libertés, en a décidé ainsi. Il sera, donc, intéressant de consulter, au cours des prochaines années, l’évolution du nombre annuel de demandes de réparation pour détention injustifiée. Ce nombre était de 645 en 2005, en progression de 77 % en trois ans, avec une majorité de cas pour accusation à tort d’abus sexuels ! Si le nouvel encadrement du placement en détention est efficace, il devrait logiquement inverser cette tendance !

Malgré l’apparition de ces trois nouveaux aspects dans la procédure pénale, la précipitation, la dictature de l’émotion, le besoin sécuritaire ne disparaîtront pas au cours des prochaines années !

Gageons, alors, que de nombreux innocents seront encore confrontés à la mise en examen et à la détention injustifiée sur la base de dénonciations mensongères !

2 - Concernant la difficulté de faire surgir la vérité

Par contre, au-delà du risque de précipitation dans le placement en détention, d’autres aspects de la loi du 5 mars 2007, peu mis en valeur par les projecteurs médiatiques, peuvent avoir un impact positif sur la conduite de la défense, l’équilibre de la procédure et donc la recherche de la vérité. Il s’agit des confrontations séparées, des expertises contradictoires, des possibilités de « rétrogradation » de l’état de mise en examen au statut de témoin assisté et de la procédure de clôture de l’information.

Les confrontations séparées :

Outreau a démontré le peu de crédibilité qu’on pouvait accorder aux confrontations groupées. Par modification de l’article 120-1 du CPP, la loi du 5 mars 2007 permet à un mis en examen ou à un témoin assisté mis en cause par plusieurs personnes de demander « à être confronté séparément avec chacune d’entre elles. » C’est un nouveau droit pour la défense qui peut se révéler très utile pour faire émerger les contradictions de l’accusation et faire surgir la vérité !

Les expertises contradictoires :

La loi du 5 mars 2007 institue, dans l’article 161-1 du CPP, une nouvelle règle concernant la demande d’expertise par le juge d’instruction. Avant de saisir l’expert, ce dernier doit communiquer la copie de l’ordonnance au procureur de la République et aux parties. Ceux- ci disposent alors de 10 jours pour demander au magistrat instructeur de modifier ou de compléter le contenu de la mission de l’expert. Ils peuvent également solliciter d’adjoindre à l’expert désigné un expert de leur choix figurant sur la liste officielle. Certes, le juge peut refuser mais en ayant l’obligation de motiver ce refus dans les 10 jours qui suivent la demande et ce refus peut faire l’objet d’un appel devant la chambre d’instruction dans le même délai.

Ce contrôle du parquet et des parties sur l’objet des expertises ainsi que la possibilité d’adjoindre un autre expert à celui qui est désigné est, très certainement, une réelle avancée pour la défense de l’innocent et pour la recherche de la vérité.

Possibilité de « rétrograder » la personne mise en examen au statut de témoin assisté :

Si cette possibilité existait déjà auparavant à la demande de la personne mise en examen devant la chambre d’instruction, les cas d’application étaient certainement très rares. Aujourd’hui, la personne mise en examen peut faire cette demande directement au juge d’instruction (article 80-1-1) si elle estime que ne sont plus remplies les conditions prévues par l’article 80-1 qui exige des indices graves ou concordants pour fonder la mise en examen.

Cette demande pourra se faire tous les 6 mois et surtout dans les 10 jours qui suivent la notification d’une expertise, d’un interrogatoire, d’une déclaration de la partie civile ou d’un témoin ou d’une autre personne mise en examen.

Ce système pourra certainement faire progresser la recherche de la vérité car, pour refuser la « rétrogradation », le juge devra motiver son ordonnance afin de démontrer l’existence persistante d’indices graves ou concordants justifiant son refus et, de ce fait, ne plus se limiter à son intime conviction.

Clôture de l’information

Le législateur 2007 a procédé à une réécriture de l’article 175 du CPP dans le sens d’une véritable égalité des armes entre le parquet et les parties en accord avec la commission parlementaire. Avec le nouvel article 175 entré en vigueur le 1er juillet 2007, les parties se voient reconnaître, en fin de période d’instruction, le droit d’adresser des observations au juge qui sont l’équivalent des réquisitions du parquet. De plus, les parties peuvent répondre aux réquisitions du parquet et inversement. Le juge doit alors rendre une ordonnance en indiquant les motifs pour lesquels il existe ou non contre la personne des charges suffisantes « au vu des réquisitions du ministère public et des observations des parties », selon l’article 184 complété par la loi de mars 2007.

Ces 4 nouvelles mesures contribuent incontestablement à un meilleur équilibre de la procédure pénale et offre à la défense un droit d’intervention dans la procédure d’information qui n’existait pas auparavant. C’est un progrès pour la défense de l’innocent injustement accusé qui pourra, ainsi, disposer de quelques initiatives dans la recherche de la vérité.

En conclusion, le risque de placement précipité en détention injustifiée n’a pas été limité par la loi du 5 mars 2007 pour les innocents accusés à tort. Il continuera à dépendre de l’intime conviction des enquêteurs et des magistrats sur la base de la parole de l’accusation. Par contre, au cours de l’instruction et parfois à l’initiative de la défense, l’obligation pour les magistrats instructeurs de motiver certaines de leurs décisions pourra, peut-être, engendrer une remise en question de l’intime conviction, trop souvent, induite par la dictature de l’émotion dans le domaine des dénonciations pour abus sexuels !

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