Le Conseil constitutionnel a validé vendredi 18 novembre 2011 toutes les dispositions du nouveau régime de garde à vue, n'émettant qu'une simple réserve sur l'"audition libre", dans une décision qui a déçu les avocats mais satisfait la Chancellerie et les policiers.
Estimant que les droits de la défense restent insuffisants en dépit de la réforme de la garde à vue instaurée au printemps 2011, les avocats avaient demandé aux "Sages" de contraindre le gouvernement à revoir une nouvelle fois sa copie. En juillet 2010, le Conseil constitutionnel avait censuré l'ancienne loi sur la garde à vue, qui ne prévoyait qu'une présence très limitée de l'avocat.
Depuis la réforme entrée en vigueur en avril 2011, les avocats peuvent assister aux interrogatoires. Mais ils avaient contesté par le biais de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) le fait de ne pas avoir accès aux dossiers de leurs clients, de ne pas pouvoir poser librement des questions ou encore de ne pas être présents lors de tous les actes de procédure (perquisitions, saisies, etc.).
Mais le conseil a jugé leurs griefs hors sujet, les déclarant "inopérants" dans une décision publiée sur son site internet. Il a jugé que "la garde à vue demeure une mesure de police judiciaire qui n'a pas pour objet de permettre un débat contradictoire sur sa légalité ou le bien-fondé des éléments de preuve". "Un tel débat aura sa place devant la juridiction d'instruction ou de jugement", a-t-il fait valoir.
Il a en revanche émis une réserve sur la mesure dite d'"audition libre" d'une personne par des enquêteurs. Les enquêteurs pourront continuer d'entendre en dehors du régime de garde à vue, et sans avocat, une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction, si elle y consent. Mais ils devront l'informer de son droit de quitter les locaux de police ou de gendarmerie à tout moment, et de la nature et de la date de l'infraction dont elle est soupçonnée.
Ces conditions entrent en vigueur dès la publication de cette décision au Journal officiel, d'ici quelques jours.
Les avocats ont exprimé leur déception. "Certes on est déçus, puisque la profession d'avocats considère que la réforme s'est arrêtée au milieu du gué", a déclaré à l'AFP Me Patrice Spinosi, qui représentait le barreau de Marseille dans ce dossier. "D'autres actions sont en cours devant la Cour de Cassation et la Cour européenne des droits de l'Homme", a-t-il ajouté, pronostiquant que le mouvement pour un renforcement des droits de la défense pendant la garde à vue, "parti de la CEDH, se terminera à la CEDH".
Me Grégoire Etrillard, premier secrétaire de la Conférence 2011 (jeune barreau parisien), a cependant vu dans la réserve sur l'audition libre "déjà une véritable avancée".
Côté policiers, Alliance (second syndicat de gardiens de la paix) a estimé que le "pire a été évité". Il a cependant réaffirmé que "la présence accrue" de l'avocat "a introduit un déséquilibre inquiétant entre droits de la défense et moyens d'action des enquêteurs, au préjudice des victimes".